Les bons du Trésor américain ont été rétrogradés par Moody’s en fin de semaine. La nouvelle était attendue, puisque toutes les autres agences de notation avaient déjà retiré leur meilleure note (AAA) sur la dette américaine. Le cercle très restreint des pays les plus solides ne compte désormais plus qu’une petite douzaine de pays, dont la Suisse. Pour l’instant, le marché obligataire américain encaisse la nouvelle sans trop de fracas, à l’exception des échéances les plus longues. Le taux à 30 ans en dollar atteint en effet un sommet pour 2025 en franchissant le seuil symbolique des 5%. Et il s’approche du sommet récent d’octobre 2023 (5,15%) qui représentait un record inégalé depuis l’été 2007.
Cette tension sur les très longues échéances traduit certainement l’inquiétude des investisseurs à l’égard du déficit budgétaire et de la dette des États-Unis dont les trajectoires ne cessent de se détériorer. Et les incertitudes entourant la politique de Donald Trump participent également à cette défiance des marchés.
L’impact économique de cette tension devrait avant tout se faire sentir sur le marché immobilier, étant donné qu’aux Etats-Unis les nouveaux emprunts hypothécaires sont indexés sur le taux gouvernemental à 30 ans. De leur côté, les entreprises se financent généralement sur des durées inférieures à 10 ans.
Les temps sont difficiles pour le secteur de la pharmacie helvétique. Après la menace de Donald Trump d’imposer des droits de douane prohibitifs sur les importations en provenance de Suisse, le Président américain veut à présent imposer des baisses de prix significatives sur les médicaments vendus aux Etats-Unis. La première de ces deux mesures viendrait entamer la profitabilité des sociétés pharmaceutiques, tandis que la deuxième pénaliserait plus directement le chiffre d’affaires de ces entreprises. L’impact est d’autant plus important que la contribution des Etats-Unis aux revenus dans le secteur pharma est significative. Pour Roche comme pour Novartis, c’est plus de la moitié des ventes qui est générée outre-Atlantique.
On comprend donc aisément la raison de la sous-performance récente de ces deux valeurs, qui ont entraîné à la baisse l’indice SPI depuis le début du mois d’avril.
Mais Donald Trump peut-il réellement imposer un contrôle des prix au secteur de la pharmacie ? Il est vrai que les prix pratiqués par les groupes pharmaceutiques aux Etats-Unis ont de quoi choquer. Le prix moyen des médicaments vendus dans le pays est en moyenne 2,5x plus élevé qu’en Europe. Et c’est bien cette inégalité de traitement qui fait bondir Donald Trump.
Pourtant, si l’intention d’abaisser les coûts du système de santé américain est louable, il est très peu probable que les moyens avancés par le Président américain puissent être mis en œuvre. Ce n’est pas la première fois qu’un président tente de s’attaquer au problème. Avant Monsieur Trump, Hillary Clinton et Barack Obama se sont cassés les dents sur le puissant lobby pharmaceutique américain. Historiquement, ce sont en effet les démocrates qui ont essayé – en vain – de contrôler les prix des médicaments. Ce sont également les républicains qui se sont opposés farouchement à de telles initiatives. Or, aujourd’hui, le Congrès, tout comme la Cour suprême des Etats-Unis, sont tous deux contrôlés par les conservateurs, qui ne manqueront pas de casser le projet du Président. Plus les mesures annoncées seront extrêmes, plus il est probable qu’elles soient contrées par les tribunaux, comme cela a été le cas dans le passé.
Donald Trump semble déjà avoir mis de l’eau dans son vin sur la question. L’annonce initiale de réduire les prix « de l’ordre de 30 % à 80 % immédiatement » a fait finalement place à un discours plus raisonnable. Les entreprises pharmaceutiques ont six mois pour ajuster leurs prix sur ceux pratiqués en dehors des Etats-Unis. Cette exigence rate complètement sa cible, puisqu’elle aboutira sans doute à une hausse des prix des médicaments en-dehors des USA, sans aucun changement pour les malades américains.
Le rebond rapide des valeurs pharmaceutiques démontre le peu de crédibilité qu’accordent les investisseurs aux réformes annoncées pour réguler le secteur. Toutefois, on ne peut exclure que les titres pharmaceutiques demeurent volatils au cours des prochains mois. Pour l’investisseur qui voudrait éviter cette volatilité mais rester exposé au domaine de la santé, nous recommanderons de privilégier les entreprises d’équipements médicaux en Suisse et aux Etats-Unis (implants dentaires, orthopédie, matériel chirurgical), qui ne sont pas concernées par les potentielles réformes à venir.
Le nombre de jours nécessaires à l’indice boursier mondial pour retracer l’intégralité de la correction entamée le jour de la libération. Le rebond qui a suivi a été d’une telle ampleur que l’indice se négocie désormais plus de 5 % au-dessus du niveau observé le 2 avril.