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Pourquoi les taux hypothécaires en Suisse ne baissent-ils pas malgré la détente monétaire ?

Rédigé par Jihan Bicici, Spécialiste en conseil patrimonial | 12 nov. 2025 07:00:01

Depuis mars 2024, la Banque nationale suisse (BNS) a abaissé à plusieurs reprises son taux directeur, qui atteint 0,00 % depuis juin 2025. Les avoirs excédentaires des banques sont même soumis à un taux négatif de -0,25 %.

Objectif : stimuler l’économie alors que l’inflation, désormais inférieure à 1 %, s’est nettement calmée par rapport à 2022 et 2023.

En théorie, cette politique monétaire plus souple devrait rendre le crédit hypothécaire plus accessible. Pourtant, dans la pratique, les taux hypothécaires fixes ne suivent pas la baisse. Pourquoi ce décalage ?

Hypothèques SARON et taux fixes : deux mécanismes bien distincts

Il est essentiel de distinguer les hypothèques SARON (à court terme) des hypothèques à taux fixe, car leur mode de calcul diffère.

Hypothèques SARON : directement liées au taux directeur

Les hypothèques SARON évoluent avec le taux directeur de la BNS.

Aujourd’hui, le SARON est proche de zéro, ce qui devrait logiquement entraîner des taux très bas.

Mais dans les faits, les banques appliquent désormais des marges plus élevées, notamment en raison des nouvelles exigences réglementaires et du coût accru du risque de crédit.

Hypothèques à taux fixe : dépendantes des marchés obligataires

Les taux fixes sont surtout influencés par le rendement des obligations de la Confédération suisse, actuellement autour de 0,20 %.

Ce rendement reflète les anticipations économiques (croissance faible, inflation modérée). Toutefois, les banques se refinancent sur le marché des swaps, où le taux à 10 ans reste plus élevé.

C’est ce taux de swap, additionné d’une marge, qui détermine le taux hypothécaire fixe proposé aux clients.

Réglementation : l’effet Bâle III sur les taux hypothécaires

Depuis le 1er janvier 2025, la Suisse applique la directive Bâle III final, imposant aux banques de mobiliser davantage de fonds propres pour accorder des prêts hypothécaires.

Les prêts jugés risqués — biens de rendement, immobiliers commerciaux ou de luxe — sont particulièrement concernés.

Conséquence :

  • Coûts de financement plus élevés,
  • Rentabilité des crédits en baisse,
  • Marges bancaires accrues.

Résultat : même avec des taux directeurs bas, les taux hypothécaires restent stables, voire légèrement supérieurs à ce que la politique monétaire laisserait prévoir.

Quelles perspectives pour les taux hypothécaires en Suisse ?

Taux SARON : une stabilité durable

Tant que la BNS maintient son taux directeur à 0 %, les taux SARON devraient rester entre 0,80 % et 1,20 %.

La BNS prévoit une inflation inférieure à 1 % jusqu’à mi-2028, ce qui plaide pour une stabilité prolongée.

Taux fixes : une baisse possible, mais limitée

Les taux fixes oscillent aujourd’hui entre 1,30 % et 1,80 %.

Une baisse reste envisageable si plusieurs conditions sont réunies :

  • Ralentissement économique marqué,
  • Inflation faible ou négative,
  • Augmentation de l’offre de financement (assurances, caisses de pension).

À l’inverse, certains facteurs pourraient freiner la détente :

  • Reprise économique plus rapide,
  • Inflation persistante (notamment liée à l’énergie),
  • Changement de ton de la BNS,
  • Fuite de capitaux vers des marchés plus rémunérateurs,
  • Hausse des émissions obligataires de la Confédération.

Un équilibre complexe entre marché, économie et réglementation

Même avec une politique monétaire très accommodante, les taux hypothécaires suisses ne suivent pas automatiquement.

Ils reflètent un équilibre complexe entre :

  • les conditions des marchés financiers,
  • les anticipations économiques,
  • et les contraintes réglementaires.

Pour les emprunteurs, il devient crucial de comprendre les différents mécanismes afin de choisir entre taux fixe et SARON au bon moment.

Dans un environnement mouvant, l’accompagnement d’un conseiller spécialisé reste un atout déterminant pour optimiser son financement immobilier.