IA : la ruée vers la puissance – et ses limites
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Le Temps
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Daniel Steck Analyste-gérant de fonds
Dans Le Temps, Daniel Steck, analyste chez Piguet Galland, décrypte la frénésie d’investissements autour de l’IA et les risques de surchauffe.
Une frénésie d’investissement qui interroge
L’intelligence artificielle ne se contente plus de faire la une des journaux : elle attire désormais des flux d’investissement colossaux. Les géants technologiques se livrent une véritable course à la puissance de calcul, alimentant une vague d’investissements dans les infrastructures sans précédent.
Centres de données, puces électroniques, systèmes de refroidissement… cette « phase de construction » mobilise aujourd’hui autant les spécialistes de la technologie que les acteurs de l’énergie ou des équipements industriels.
« Nous nous trouvons dans la phase de la mise en place des outils de l’IA, avec des investissements massifs dans les infrastructures et une course à la puissance via les centres de données et les puces électroniques », explique Daniel Steck, analyste spécialisé dans les nouvelles technologies à Piguet Galland.
Quand les “pelles et pioches” deviennent stratégiques
Comme lors des précédentes révolutions industrielles, les premiers gagnants ne sont pas forcément ceux qui exploitent l’IA, mais ceux qui fournissent les outils pour la développer.
Les fournisseurs d’énergie, les constructeurs d’équipements thermiques ou les spécialistes des composants électroniques profitent directement de cette frénésie d’investissement.
« Le secteur des services publics, traditionnellement défensif, est devenu une industrie de croissance depuis deux ans », poursuit Daniel Steck. En Suisse, l’entreprise Belimo, active dans le chauffage et la climatisation, voit ses résultats progresser fortement grâce aux besoins croissants des data centers. Autrement dit, le ruissellement de la thématique IA irrigue désormais des pans entiers de l’économie.
Un risque de surchauffe à ne pas sous-estimer
Si le potentiel de l’IA est indéniable, sa valorisation actuelle soulève néanmoins des questions.
Les Magnificent Seven – ces sept géants technologiques qui pèsent à eux seuls plus d’un tiers du S&P 500 – affichent des performances impressionnantes, mais leurs prévisions de dépenses en capital s’envolent. De quoi rappeler à certains investisseurs les excès de la bulle internet des années 2000.
« Le risque existe que le soufflé retombe si les résultats des entreprises ne progressent pas assez vite pour justifier ces investissements », prévient Daniel Steck.
Une phase de consolidation pourrait alors s’amorcer, avec des attentes plus réalistes et des valorisations mieux ancrées dans les fondamentaux.
La rentabilité, véritable juge de paix
Au cœur de la réflexion : la capacité des entreprises à transformer ces investissements massifs en revenus tangibles.
« La question centrale est de savoir si les investissements massifs que l’on observe seront rentables à terme. Pour cela, les entreprises devront dégager des milliards de chiffre d’affaires avec leurs produits finaux », souligne Daniel Steck.
Si la version payante de ChatGPT reste encore marginale, Microsoft parvient déjà à mieux monétiser ses solutions d’IA, notamment via Copilot. De leur côté, Meta et Alphabet pourraient renforcer la rentabilité de leurs plateformes publicitaires grâce à l’IA, justifiant ainsi des hausses de tarifs.
Entre promesse et prudence
L’intelligence artificielle ouvre un nouveau chapitre technologique dont l’ampleur dépasse celle du cloud ou de l’internet mobile.
Mais comme toute révolution, elle s’accompagne de cycles d’euphorie et de correction.
Pour les investisseurs, l’enjeu est d’identifier les gagnants durables de cette mutation — ceux qui, au-delà du battage médiatique, construiront les fondations économiques de l’ère de l’IA.
Auteurs
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Le Temps
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Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior et est en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.