Réforme de la valeur locative : ce que les propriétaires doivent savoir

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Jihan Bicici Spécialiste en conseil patrimonial

En Suisse, l’imposition de la valeur locative pourrait bientôt appartenir au passé. Après des années de débats parlementaires, une réforme fédérale est désormais prête à être soumise au vote populaire. Elle prévoit la suppression de cet impôt controversé pour les propriétaires qui occupent leur logement, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire. Cette réforme aurait un impact direct sur des centaines de milliers de contribuables, tout en laissant une grande marge de manœuvre aux cantons.
Concrètement, le projet de réforme propose de supprimer la valeur locative comme revenu imposable à l’échelle fédérale. En contrepartie, la plupart des déductions actuellement admises disparaîtraient également : frais d’entretien, rénovations, intérêts hypothécaires ou encore investissements énergétiques ne seraient plus déductibles au niveau fédéral. Toutefois, les cantons resteraient libres d’autoriser certaines déductions, en particulier pour les rénovations écologiques, ou de créer un impôt spécifique sur les résidences secondaires.
L’effet de la réforme variera fortement selon la situation personnelle de chaque propriétaire, mais aussi selon le niveau des taux hypothécaires. Lorsque les taux sont bas, comme ces dernières années, la réforme tend à alléger la charge fiscale nette. C’est notamment le cas pour les propriétaires peu ou pas endettés, qui paient aujourd’hui un impôt sur un revenu fictif sans bénéficier de déductions significatives. À l’inverse, en cas de hausse des taux, la perte de la déduction des intérêts pourrait peser davantage, en particulier pour les ménages fortement endettés. Il en serait de même pour les personnes qui achètent un bien immobilier vétuste avec pour objectif de le rénover.
Prenons l’exemple d’un couple propriétaire de longue date, avec une hypothèque partiellement remboursée : la fin de la valeur locative entraînerait un gain fiscal net, sans effet sensible sur les charges courantes. Mais pour un ménage plus jeune, avec une dette hypothécaire élevée et un budget serré, le bénéfice de la réforme serait moins évident, voire nul si les taux montent sensiblement.
Au-delà des implications fiscales immédiates, cette réforme met en lumière une réalité plus profonde : le besoin de structurer son patrimoine immobilier de manière stratégique, indépendamment des règles en vigueur à un moment donné. Ce qui ne change pas, même avec la réforme, c’est qu’un prêt hypothécaire peut rester intéressant à condition d’être intégré dans une stratégie patrimoniale globale.
En effet, tant que les liquidités disponibles peuvent être investies dans des solutions générant un rendement net supérieur au taux hypothécaire, il peut être judicieux de conserver prêt. La clé réside dans la capacité à capitaliser intelligemment, afin de constituer une réserve stratégique permettant d’amortir partiellement ou totalement son prêt si les taux augmentent.
C’est cette logique d’anticipation, de flexibilité et de rendement qui guide une gestion patrimoniale efficiente. Qu’elle entre en vigueur ou non, la réforme actuelle est donc une occasion idéale de faire le point : niveau d’endettement, choix d’amortissement, répartition entre actifs liquides et immobiliers, transmission… Autant de leviers à réévaluer avec l’accompagnement d’un conseiller spécialisé.