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Le franc suisse, victime collatérale de la guerre commerciale ?
Le marché des devises a récemment été marqué par un affaiblissement du franc suisse, phénomène inhabituel compte tenu de sa réputation de valeur refuge en période d’incertitudes économiques ou politiques. Cette baisse s’explique en grande partie par la décision des États-Unis d’instaurer des droits de douane prohibitifs de 39 % sur les importations en provenance de Suisse. Cette mesure protectionniste pénalise directement les exportateurs helvétiques, réduisant ainsi les excédents commerciaux qui soutiennent historiquement la devise nationale. La détérioration de ces fondamentaux économiques se répercute sur les anticipations des investisseurs. Ceux-ci craignent un affaiblissement durable de la balance courante et une pression accrue sur la croissance. Dans ce contexte, la Banque nationale suisse (BNS) pourrait être amenée à intervenir pour stabiliser la situation, un retour à des taux d’intérêt négatifs ne pouvant être exclu. Sur base graphique, le franc conserve un potentiel de baisse contre l’euro avec un objectif à court terme de 0.96.
L’économie suisse au bord du gouffre ?
Le 2 avril passé, Donald Trump annonçait des tarifs douaniers prohibitifs sur les importations de la plupart des partenaires commerciaux des Etats-Unis. Les économistes avaient alors été choqués par l’intention d’imposer une taxe de 31% sur les biens helvétiques importés aux Etats-Unis. Après près de quatre mois d’intenses négociations, la plupart des pays développés sont parvenus à des accords avec le gouvernement américain, dans le but de sécuriser des tarifs bien plus raisonnables.
Ce ne sera pas le cas pour la Suisse. Aucun accord n’a pu être conclu avec l’administration Trump et c’est finalement une taxe de 39% qui frappe désormais les exportations de notre pays à destination des USA ! Véritable gifle pour la Confédération, ce taux est le plus élevé parmi les pays développés !
Si la méthode de calcul qui conduit à ce chiffre est incompréhensible, il est plus aisé de quantifier l’impact qu’auront ces taxes sur l’économie helvétique, si elles ne sont pas rapidement revues à la baisse. Aujourd’hui, environ 40% des exportations à destination des Etats-Unis sont donc taxées à 39%. En effet, les produits pharmaceutiques ne sont pour le moment pas concernés par ces mesures et font l’objet d’un examen séparé par le gouvernement américain. Cette industrie compte pour près de 60% de ce qui est exporté Outre-Atlantique par la Suisse et n’est donc frappé d’aucune taxe. Pour combien de temps ? Difficile de se prononcer, mais Donald Trump a clairement exprimé sa volonté d’imposer également les médicaments avec pour but de favoriser leur production sur sol américain.
En l’état, l’impact des taxes douanières pourrait avoir un impact de 0.3% sur la croissance du PIB helvétique cette année, alors que la progression de celui-ci est attendue entre 1.3% et 1.5% selon les économistes. Les principales industries touchées seront l’horlogerie, les instruments de précision et la machinerie. Ce ne sont pas seulement les entreprises qui sont touchées, mais bien évidemment également leurs fournisseurs locaux. Ces taxes, couplées à un franc suisse en forte hausse contre le dollar en 2025 vont rendre un bon nombre de produits inabordables et bien moins compétitifs que leurs équivalents européens par exemple. Les répercussions sur le tissu économique suisse sont désastreuses et une hausse du chômage est inévitable dans la situation actuelle.
Si la pharmacie connait le même sort que les autres biens, l’impact sur le PIB pourrait grimper à 0.7%. Le coup de frein donné à l’économie est donc énorme.
Comment dès lors expliquer le manque de réaction sur les bourses depuis cette annonce ? Tout d’abord, les investisseurs se raccrochent à l’espoir que ces tarifs exorbitants soient une fois encore une technique de négociation de la part de Trump et qu’ils aboutissent à un nouveau revirement de sa part, une fois des concessions faites par le Conseil Fédéral. Une nouvelle offre, tenue secrète, est d’ailleurs déjà arrivée dans le bureau ovale.
D’autre part, les entreprises cotées sont en général moins impactées que les petites PME privées locales, qui n’ont aucun moyen de délocaliser leur production aux Etats-Unis. Ces dernières sont les principales victimes de la situation actuelle et devront sans doute faire appel au chômage partiel.
Enfin, une part non négligeable de la cote domestique n’est pas concernée par les taxes douanières américaines. Ce sont ces valeurs que nous recommandons fortement de privilégier dans le contexte actuel.
On peut citer en premier lieu les sociétés de services comme les financières qui représentent plus de 20% de l’indice SPI. Ensuite on retrouve des valeurs domestiques, qui n’opèrent qu’en Suisse et représentent également une part non négligeable des indices. Enfin, certaines multinationales exportatrices produisent depuis déjà longtemps leurs biens à destination des USA sur place, comme Lindt ou Nestlé par exemple.
Si la situation actuelle représente une terrible menace pour l’économie domestique, les incertitudes sont encore élevées. Combien de temps avant que ces taxes soient allégées ? Quel traitement sera réservé à l’industrie pharmaceutique ? Pour le moment, les investisseurs privilégient l’optimisme et se réfugient sur les valeurs les moins touchées, un mouvement que nous avons également opéré depuis le mois d’avril dans nos portefeuilles et fonds de placement investissant en actions suisses.
Chiffre de la semaine : 15/8
Date à laquelle Donald Trump et Vladimir Poutine devraient se rencontrer en Alaska afin de négocier un cessez-le-feu en Ukraine.
Un accord de paix serait une bonne nouvelle pour les actifs risqués, notamment les bourses européennes, qui bénéficieraient d’une diminution des incertitudes.
Auteur
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Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior et est en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.