« Shopping Season » 2025 : Saison des dépenses ou saison des doutes ?
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Nadège Guimard Senior Investment Consultant
Il y a des moments de l’année où l’économie semble suspendue à un rituel collectif. Malgré l’inflation, les taxes douanières et une confiance fragilisée, la « shopping season » 2025 s’annonce pourtant plus fréquentée que jamais. Selon la National Retail Federation (NRF), 187 millions d’Américains prévoient d’acheter entre Thanksgiving et Cyber Monday, soit trois millions de plus que l’an dernier.
Cette dynamique s’inscrit dans une saison devenue cruciale pour le commerce mondial. La NRF anticipe que les dépenses de novembre et décembre pourraient dépasser pour la première fois le trillion de dollars. Le Black Friday demeure le point culminant, avec 131 millions d’acheteurs potentiels. Pour l’anecdote, son nom découle d’une double origine : le « noir » des foules qui paralysaient les rues de Philadelphie dans les années 1950 au lendemain de Thanksgiving, et le « noir » des livres comptables des commerçants, qui redevenaient bénéficiaires à partir de cette date.
L’e-commerce, porté par une croissance de 7 %, représente désormais 25 % des ventes mondiales, contre 14 % avant la pandémie, confirmant une transformation structurelle du secteur. Car la shopping season n’est pas un simple week-end prolongé : cette période de cinq à six semaines, qui s’étend jusqu’à Noël, concentre 30 à 40 % du chiffre d’affaires annuel de nombreuses enseignes. L’an dernier, elle avait généré 984 milliards de dollars, avec une dépense moyenne de 850 dollars par consommateur américain.
Mais derrière l’euphorie, deux incertitudes majeures questionnent les perspectives de cette année. D’une part, la confiance des ménages s’est détériorée ces derniers mois, aggravée par le « shutdown » qui retarde la publication des indicateurs économiques et s’accompagne de pertes d’emploi dans l’administration. D’autre part, l’impact des taxes douanières reste difficile à anticiper : effets décalés, restockage hétérogène, et changement intempestif des taux compliquent les projections. Selon Mastercard, la croissance des ventes de fin d’année pourrait ainsi se modérer à 3,6 %, contre 4,1 % en 2024.
Pourtant, dans un contexte de retard boursier du secteur et d’attentes modestes, deux accélérateurs ne doivent pas être sous-estimés. Le premier est l’intelligence artificielle, dont l’usage dans le commerce s’intensifie : 13 % des dépenses mondiales en IA en 2023, des taux de conversion encore faibles mais prometteurs (2,5 à 3 % selon Shopify), et deux tiers des distributeurs prêts à intégrer davantage d’IA générative dans leurs parcours clients. Le second est la puissance des réseaux sociaux, devenus un espace d’achat en continu où la recommandation se transforme en transaction en quelques clics.
Dans ce contexte, cinq sous-segments apparaissent particulièrement exposés : le commerce physique et digital, les paiements numériques, la logistique et la livraison premium, la publicité digitale et les réseaux sociaux, ainsi que le luxe, traditionnel moteur des ventes de décembre. Nous privilégions notamment une approche sélective centrée sur des valeurs de conviction, en particulier celles en retard mais disposant de fondamentaux solides et d’un positionnement structurellement favorable au sein de leurs secteurs respectifs.
À un moment où la Fed semble hésiter sur la poursuite de son assouplissement monétaire, où les investisseurs s’interrogent sur les valorisations des grands acteurs de la Tech et sur la capacité des marchés à prolonger leur progression, une dynamique de consommation plus solide que prévu pourrait, si elle se confirmait, laisser entrevoir l’hypothèse du tant attendu « rallye » de fin d’année.
Auteur
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Nadège Guimard, diplômée en Business and Corporate Finance de Toulouse Business School, a débuté sa carrière à Newedge à Paris, puis au Luxembourg en structuration de fonds d’investissement. Elle a ensuite travaillé chez Candriam Asset Management avant de devenir responsable de la gestion discrétionnaire à la Banque Internationale à Luxembourg, puis spécialiste en fonds d’investissement à Genève chez Julius Baer. Avec près de dix ans d'expérience en conseil en investissements multi-classes d’actifs, elle rejoint l'équipe Investment Consulting de Piguet Galland & Cie, valorisant l'échange avec les clients et l'apprentissage continu.